En tant que demi-déesse, Wyn s’est toujours démarquée de la foule humaine. Et maintenant, le jour de son vingt-deuxième anniversaire, sa magie fait son apparition de manière fracassante. Vraiment fracassante. Elle n’aura besoin de l’aide de personne, excepté de quatre Gardiens (sexy), pour contrôler ses pouvoirs destructeurs. Si seulement ils n’étaient pas si distrayants !
Sa mère, la reine de l’Hiver, l’attend dans les royaumes des Dieux, mais certains ennemis tenteront de l’empêcher de les atteindre, quitte à partir en guerre.
Wyn sera-t-elle capable de survivre au voyage ? Et si elle y parvient, pourra-t-elle résister à la tentation de tomber sous le charme de ses Gardiens ?
Une romantasy harem inversé pleine d’hommes protecteurs et délicieux, d’une héroïne forte, de mythologie celtique, de kilts, d’accent écossais, de scènes vraiment torrides et de méchants Démons.
Si je disais aux gens que ma mère est la reine de l’Hiver, ils riraient. Et si je leur disais que je sais faire de la magie, ils m’enfermeraient probablement. Ou s’enfuiraient, ce qui est plus probable.
Ce n’est pas comme si j’avais grandi dans une espèce de palais. Au contraire, j’ai été élevée dans une maison mitoyenne sans intérêt dans la banlieue d’Édimbourg, en Écosse.
De nos jours, la plupart des gens n’ont jamais entendu parler de Beira, la reine de l’Hiver. Je ne sais pas si je dois m’en offusquer au nom de ma mère. Autrefois, tout le monde la connaissait. Elle était connue comme la mère des Dieux et Déesses, la Voilée, la Cailleach[1] et, pas très flatteur, la vieille sorcière à un œil. Vous pouvez sans doute deviner quelle version ma mère préfère.
Malgré les légendes, elle ne ressemble certainement pas à une vieille sorcière. Certes, elle est âgée – et je veux dire vraiment âgée, même moi je ne connais pas son âge – mais elle est aussi belle que l’on peut imaginer.
Malheureusement, elle ne m’a pas transmis ces gènes. Je suis d’apparence ordinaire, rien de spécial. Cheveux bruns, yeux marron et quelques kilos superflus autour des hanches qui me font maudire mon jean le matin. Je suppose que c’est plus facile de se fondre dans la masse. C’est suffisamment difficile de cacher ma magie, c’est donc une bonne chose de ne pas aussi avoir à cacher une beauté anormale. La voix de la raison, c’est moi.
Ma mère et mon père sont les seuls à connaître mes origines. Ils ne sont pas mes vrais parents, évidemment, mais ils sont bien plus maternants que ma mère biologique l’a jamais été. Je l’ai vue exactement quatre fois dans ma vie. Cinq, si on compte le moment où je suis née.
Je reçois deux lettres chaque année : une pour mon anniversaire, une pour le solstice d’hiver. Elle ne célèbre pas Noël – Jésus et tout ce qui est arrivé bien après le début de son règne. J’ai quarante et une lettres dans mon tiroir du haut, chacune d’elles est froissée et tachée d’avoir été lue des centaines de fois. Aujourd’hui, la quarante-deuxième est arrivée, à temps pour mon vingt-deuxième anniversaire demain.
Je ne l’ai pas encore ouverte, mais je la tiens dans mes mains depuis une heure, à me demander s’il vaut mieux l’ouvrir rapidement et être à nouveau déçue, ou attendre un peu plus longtemps, dans le confort de ne pas, encore, avoir été rejetée. Chaque fois que je reçois une lettre, j’écris une réponse, longue et détaillée, dans laquelle je lui raconte ma vie. Peut-être parce que j’ai envie qu’elle se sente coupable de m’avoir abandonnée. Maintenant que je suis plus âgée, je comprends ses raisons, et je la pardonne presque. Presque. Si seulement elle m’autorisait à lui rendre visite ! Dans chaque lettre, je le lui demande. Mais je n’obtiens jamais de réponse. Ça fait mal.
Elle ne veut pas de toi. Tu n’es pas digne d’être la fille d’une Déesse.
Mais à présent, je vais avoir vingt-deux ans. Dans la tradition païenne, j’atteins la majorité. Demain est le jour où ma magie se spécialisera.
Pour l’instant, je réussis des choses simples ; allumer des bougies, faire léviter des petites choses comme des livres et des couverts (très pratique pour mettre la table), ouvrir des portes avec mon esprit. Oh, et lire les émotions ; pas les pensées, même si je peux les déduire de la plupart des gens à partir de ce qu’ils ressentent. Je fais une plutôt bonne détectrice de mensonge. À l’école, j’étais une source d’ennuis pour mes professeurs quand je les reprenais lorsqu’ils inventaient des réponses aux questions difficiles des élèves. C’est vrai, je n’étais pas populaire auprès de mes professeurs et de mes camarades de classe. Ça gâche tout le plaisir du lycée lorsqu’on est capable de repérer chaque rumeur, fausse ou inventée, comme un mensonge.
Je ne sais pas ce qu’il adviendra de ma magie demain. En général, elle change, amplifiant un pouvoir particulier et se débarrassant de tous les autres. C’est pourquoi les magiciens de feu ne peuvent pas contrôler l’eau et ainsi de suite. J’y ai beaucoup pensé : de quel pouvoir je pourrais me passer ? Lequel est mon préféré ? Quel genre de magicienne j’aimerais devenir ?
Mais je ne suis pas une magicienne ordinaire. Après tout, ma mère est une déesse. Ce qui fait de moi une demi-déesse. Bien que je préfère ne pas en parler.
Nous ne sommes pas nombreux. Pour être honnête, je ne connais aucun autre demi-dieu en vie. Je n’ai que des vieux contes et des légendes à ma disposition. Aucun d’entre eux n’est particulièrement fiable. Dans la plupart des histoires, les demi-dieux ont un pouvoir majeur, mais contrairement aux magiciens ordinaires, ils conservent aussi quelques pouvoirs mineurs. J’espère vraiment que ce sera le cas pour moi aussi. Je ne voudrais pas me passer de ma télékinésie. Ça fait des années que je n’ai pas ouvert mes rideaux à la main.
Je tourne la lettre dans mes mains. Elle porte déjà des traces de gras. Je devrais vraiment en finir avec ça. Je suis habituée à son accoutumée phrase à la fin de la lettre « PS : je crains que tu ne puisses me rendre visite cette année. » Pour le reste, c’est toujours la même chose : Joyeux anniversaire, fais-moi savoir si tu as besoin d’argent, passe le bonjour à tes parents adoptifs. Si j’ai de la chance, elle peut rédiger quelques phrases sur sa vie – sa vie de reine, autrement dit, pas sa vie personnelle. Je ne sais presque rien de ma mère. La dernière fois que je l’ai vue, c’était il y a cinq ans, et encore, elle n’était restée qu’une journée.
Je soupire. Je n’ai pas d’échappatoire possible. Je glisse mon doigt sous le rabat de l’enveloppe et le déchire pour l’ouvrir. La lettre est pliée en plusieurs fois et je l’ouvre avec appréhension. Le papier est épais et semble cher. Je suppose qu’en tant que reine, on peut s’offrir de la belle papeterie.
Je balaye la lettre du regard, à la recherche de mots importants.
Les voilà.
« Certains de mes gardes les plus fidèles viendront te chercher dans la soirée du 15 octobre. Prépare-toi à rester quelques semaines. »
Wouah ! J’ai presque envie de crier de surprise et de joie. Enfin ! Je vais enfin pouvoir voir les royaumes, voir où règne ma mère, en savoir plus sur – eh bien, tout. La magie, les Dieux, les Démons, et tous les autres êtres surnaturels qui existent. Je souris de soulagement. Pas de rejet, cette fois.
Puis je la relis. Pas d’informations supplémentaires. Hormis un rapide « joyeux anniversaire » au début de la lettre, c’est tout. Classique. Plusieurs semaines… il faudra que j’en parle à mon université. Je prépare une thèse, donc je n’ai pas de cours à annuler, mais j’ai des devoirs à corriger pour certains de mes professeurs. Et après les vacances de la Toussaint, j’aurai des séminaires à animer ; et maintenant, j’ai exactement une journée pour tout régler. Merci, mère. Vous n’auriez pas pu me le dire avant, n’est-ce pas ?
Je remets soigneusement la lettre dans son enveloppe et la range dans ma poche. Elle rejoindra bientôt ses sœurs dans mon tiroir. Je dois d’abord en parler à mes parents.
Je descends de ma cabane dans les arbres – oui, j’ai presque vingt-deux ans et je passe toujours du temps dans la cabane que mon père m’a construite dans l’arbre quand j’avais cinq ans – et frappe à la porte d’entrée de mes parents. On vit dans la même maison, mais l’étage supérieur a été transformé en un petit appartement pour moi. C’est moins cher que de louer mon propre logement et j’ai de l’intimité quand je le souhaite. C’est-à-dire à peu près tout le temps.
Mes parents m’ont toujours laissé autant de liberté que je le souhaitais. C’est peut-être parce qu’ils ne sont pas mes vrais parents, même s’ils ne m’ont jamais fait sentir que je n’étais pas leur fille. Ils auraient probablement fait la même chose avec leurs propres enfants, s’ils en avaient eu. Tant que je suivais leurs règles principales et que j’obtenais de bonnes notes, j’étais pratiquement libre de faire ce que je voulais. Je me retrouvais donc souvent à pratiquer la magie dans les champs à quelques minutes de marche de la maison (après que j’ai failli mettre le feu au salon une fois, c’est rapidement devenu l’une des règles immuables).
— Entrez ! crie ma mère.
Je la rejoins dans la cuisine. Elle prépare des cupcakes au chocolat, fourrés au chocolat avec un glaçage chocolat. Devinez ce dont je raffole.
Je l’embrasse sur la joue.
— Ils sentent délicieusement bon !
J’essaie d’en voler un, mais elle repousse ma main.
— Pas de cupcakes tant que nous ne sommes pas tous assis ensemble.
— Maman, c’est mon anniversaire demain.
— Exactement. Demain. Maintenant, oust ! Va chercher ton père pendant que j’allume la bouilloire.
Je le trouve dans son bureau, les yeux rivés sur l’écran de l’ordinateur. Il a l’air fatigué et usé. Depuis quand mon père a-t-il autant vieilli ?
Ils avaient tous les deux la quarantaine quand ils m’ont adoptée. Ils voulaient un enfant et lorsqu’on leur a proposé une petite fille, ils ont accepté sans hésiter. Même s’ils savaient depuis le début que j’étais différente. Je les aime pour ça.
Je frappe doucement à la porte.
— Papa, le thé est prêt. Tu nous rejoins dans le salon ?
— Oui, donne-moi cinq minutes, soupire-t-il, retournant à son ordinateur.
En langage de papa, ça signifie que je vais devoir aller le chercher dans une dizaine de minutes. Au moins, d’ici là, le thé sera à la température qu’il aime : tiède, une fois le lait ajouté.
Je rejoins ma mère dans le salon et m’avachis sur le canapé, à côté d’elle. Une grande théière est servie sur la table basse, ainsi qu’une assiette pleine de cupcakes. Les dix prochaines minutes vont être une torture. Papa ne peut-il pas être à l’heure pour une fois dans sa vie ? Mais je devrais déjà connaître la réponse à cette question. Il est chercheur en bioéthique à l’université, et quand il commence à lire un livre ou un article de journal, rien ne peut l’arrêter. Ma mère est une artiste, l’une des rares à réussir à vivre de ses peintures. La cabane dans le jardin est devenue son atelier, et elle y passe souvent la moitié de la nuit. Elle expérimente actuellement les peintures fluorescentes, ce qui lui permet de peindre plus facilement dans l’obscurité que pendant la journée. Ma chambre donne sur le jardin, et quand je laisse la fenêtre ouverte l’été, j’entends son fredonnement au loin. C’est comme si elle me chantait une berceuse sans le savoir.
— Des projets pour demain ? me demande-t-elle en passant un bras autour de mes épaules.
Elle est très tactile et fait les meilleurs câlins du monde. Mon père, c’est tout le contraire ; il est plutôt du genre à serrer la main.
— J’ai rendez-vous avec Gina pour le thé dans l’après-midi, et on ira peut-être au pub après. J’avais prévu de fêter mon anniversaire dimanche, mais maintenant…
Je constate que je ne le lui ai pas encore dit. Ma mère biologique est un peu un sujet sensible à la maison. Je pense que mes parents n’aiment pas qu’on leur rappelle qu’ils ne sont pas mes parents biologiques. C’est pourquoi je veille toujours à ne pas l’appeler « mère » en leur présence.
— Beira m’a invitée chez elle.
Cette phrase semble tellement banale ! Sauf que « chez elle », ce n’est pas sur Terre, et ça ressemble plus à un palais qu’à une maison. Enfin, c’est ce qu’elle m’a dit lors de ses rares visites. J’avais cinq jours lorsqu’on m’a amenée à mes parents, je n’ai donc aucun souvenir des royaumes des Dieux. Je ne pourrais même pas vous dire comment on s’y rend. Tout ce que je sais du monde magique, c’est ce que j’ai lu dans les livres que Beira m’a apportés lors de ses visites. Ils sont très simples, mais au moins, ils m’ont enseigné comment faire quelques tours de magie. Tout le reste, je l’ai appris en faisant des expérimentations. Après avoir découvert que je pouvais faire exploser des choses, mes parents m’ont obligée à les tester à l’extérieur. Loin de tout ce qui pourrait se casser. Bien que j’aie cassé un arbre une fois. Oups ! Je ne le leur ai jamais dit.
— Tu as l’intention d’y aller ? demande ma mère, de l’incertitude dans la voix.
— Je pense, oui.
J’essaie de paraître plus réticente que je ne le suis en réalité. Je n’ai pas envie de la blesser en lui disant à quel point j’ai hâte d’explorer les royaumes, d’en apprendre plus sur la magie, de découvrir quelles races surnaturelles existent réellement parmi celles dont parlent les humains. (J’ai été terriblement déçue lorsque j’ai découvert que les loups-garous n’existaient pas. J’ai toujours rêvé de rencontrer un jour un loup métamorphe sexy.)
— Elle envoie des personnes me chercher demain. Je risque d’être absente pendant quelques semaines.
— Oh ! C’est… soudain.
Elle boit une longue gorgée de sa tasse de thé en se cachant le visage.
— J’essaierai de téléphoner, si je le peux. Je ne sais pas si les portables fonctionnent, là-bas. Mais je suis sûre qu’ils ont un moyen de communiquer avec ce monde, même si c’est avec des lettres.
— Merci, ma chérie. Je sais que tu es une adulte, maintenant, mais avec tous ces… trucs magiques, j’ai besoin de m’assurer que tu vas bien.
— Tout ira bien, maman. Ne t’inquiète pas.
Avec un sourire déterminé, elle termine son thé et se lève.
— Viens avec moi un instant, j’ai quelque chose à te montrer.
Je pose ma tasse et la suis à l’extérieur, à travers le jardin et dans sa cabane-atelier. De grandes toiles tapissent les murs et des étagères remplies de pots de peinture et d’autres fournitures font le tour de la pièce. C’est le seul endroit en désordre de la maison de mes parents. Partout ailleurs, tout est bien rangé et impeccable, mais l’atelier est une manifestation du désordre créatif.
Ma mère me conduit vers un chevalet recouvert de tissu.
— J’avais l’intention de te l’offrir demain, mais maintenant… eh bien, on ne sait pas quand ils viendront te chercher, alors j’ai pensé te le montrer aujourd’hui.
Elle soulève délicatement le tissu blanc (je suis sûre qu’il s’agissait d’un drap à l’époque) et dévoile une grande peinture sur toile.
J’ai le souffle coupé. Puis je rigole. Puis je souris. Puis je pleure presque. Puis je la prends dans mes bras.
Quand mes émotions se sont un peu calmées, je me retourne pour jeter un nouveau coup d’œil. Une Wyn peinte me fixe en retour. Hormis son choix de me peindre de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel, c’est comme se regarder dans un miroir. Ma mère est un génie. Mais ce qui est si particulier dans ce tableau, ce sont les lignes blanches, douces et complexes, qui flottent autour de moi. De la magie. Même si elle ne peut pas la voir, elle l’a peinte avec un tel réalisme qu’on a presque l’impression qu’elle va bondir de la toile pour donner vie à quelque chose de spectaculaire.
— Tu n’as pas encore vu le meilleur.
Ma mère rigole et éteint la lumière.
On se retrouve dans l’obscurité totale – attendez, pas totale. Au fur et à mesure que mes yeux s’adaptent, la peinture se transforme. Ma gorge se noue lorsque je réalise ce qu’elle a fait. Le moi peint s’est transformé en un simple contour blanc sur fond noir, tandis que les fils magiques sont lumineux et colorés, explosant hors de moi tout en m’étreignant doucement.
— Comment tu as… ?
Je suis sans voix, ce qui n’arrive pas souvent. Je l’inscrirai plus tard dans mon calendrier.
— Deux années d’expérimentation, dit-elle fièrement.
Je l’entends se diriger vers l’interrupteur, mais je lui dis de le laisser éteint encore un moment.
Enfin, je ne suis plus la seule à voir la magie. Elle est là, sur le papier. C’est comme une preuve qu’elle existe, qu’elle est presque… normale.
[1] Dans la mythologie gaélique, la Cailleach est une sorcière divine, une déesse mère et divinité du climat.